Objectifs

Un congrès francophone

Depuis les premières contributions de pays francophones, peu nombreuses et dispersées au premier congrès international d’histoire de la construction (ICCH) en 2003, la discipline a pris de l’ampleur en France ; plus largement, grâce à une décennie d’efforts, la production scientifique francophone dans ce domaine est aujourd’hui lisible internationalement : création de l’Association Francophone d’Histoire de la Construction ; organisation du Premier Congrès Francophone d’Histoire de la Construction en 2008, accueil du 4ICCH à Paris en 2012. L’effort ne doit pas être relâché, il reste du chemin à parcourir pour asseoir et dynamiser cette production, et étendre son réseau. Il s’agit de la mûrir dans notre langue pour mieux l’ouvrir aux risques et aux opportunités de la traduction, de la transposition et des changements de référentiels que la communication en anglais suppose bien souvent.

Par ailleurs, s’il est difficile de caractériser la spécificité de la production francophone, il est possible de donner du sens à la francophonie, comme un lieu de rassemblement particulier au sein de l’histoire de la construction, à partir de la simple hypothèse saussurienne que la langue donne forme à la pensée, y compris à la pensée technique et constructive. Il existerait dès lors un caractère commun à la tradition constructive francophone, qu’elle se soit développée au Québec ou en Afrique du nord, en Suisse ou à Madagascar. Par ailleurs, si l’on peut penser que le français serait bien adapté à l’étude et à la diffusion de l’histoire de la construction de pays francophones, on peut tout aussi légitimement se donner comme ambition de porter sur les traditions constructives mondiales un regard alternatif à celui véhiculé par la langue anglaise.

Un congrès à Lyon

Lyon est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1998 :

« Lyon représente un témoignage exceptionnel de la continuité de l’installation urbaine sur plus de deux millénaires, sur un site à l’énorme signification commerciale et stratégique, où des traditions culturelles en provenance de diverses régions de l’Europe ont fusionné pour donner naissance à une communauté homogène et vigoureuse. De par la manière particulière dont elle s’est développée dans l’espace, Lyon illustre de manière exceptionnelle les progrès et l’évolution de la conception architecturale et de l’urbanisme au fil des siècles. »

Ces critères que l’Unesco a retenus font la part belle à l’histoire de la construction, qu’on l’étudie sous l’angle de la circulation des idées ou sous celui de l’évolution des savoirs constructifs. Aujourd’hui encore, notamment à travers les grands projets de la cité internationale, de l’aménagement des berges du Rhône et de la Saône ou de la ré urbanisation du quartier des confluences, Lyon continue à marquer l’histoire des relations entre construction, architecture et spatialité urbaine.

Lyon peut à juste titre se dire « ville de bâtisseurs » : Figures emblématiques de l’histoire de la construction, Philibert de l’Orme, Girard Desargues, Jacques-Germain Soufflot, Jean-Baptiste Rondelet, mais aussi Pierre Bossan, Gaspar André, Tony Garnier et René Gagès ont tous exercé à Lyon, où ils sont nés (sauf J.-G. Soufflot), marquant la ville de leurs constructions et de leurs productions intellectuelles.

Enfin, Philibert de l’Orme étant né à Lyon entre 1510 et 1514, selon les sources, il nous paraît légitime et particulièrement opportun d’envisager ce deuxième congrès francophone en 2014 comme une commémoration du 500ème anniversaire de la naissance de cette grande figure de l’innovation constructive, enfant chéri des historiens français de la construction.

Des objectifs scientifiques, pédagogiques, culturels et opérationnels

Sur le plan scientifique, il s’agit d’entretenir les convergences interdisciplinaires. L’activité même de la construction convoque en effet des ressources et des compétences de natures très diverses. Elle se trouve largement déterminée par des phénomènes extrêmement variés, chacun généralement étudié séparément au sein de disciplines autonomes. L’histoire de la construction revendique un champ d’investigation qui est spécifique par rapport à ceux de l’histoire de l’architecture, de l’art, des sciences ou de la pensée ; tout en convoquant les disciplines des ingénieurs, architectes, économistes, juristes, artisans, artistes, philosophes. L’interdisciplinarité, caractéristique et nécessité de l’histoire de la construction, n’est cependant jamais acquise. Elle se nourrit de ces rencontres, qui permettent de faire système de points de vue qui, en l’absence de rendez-vous périodiques et réguliers, resteraient singuliers et isolés.

L’objectif scientifique de ce congrès est donc de confronter les différentes dimensions de la question pour enrichir de sens la recherche historique et accroître ainsi son potentiel à éclairer nos pratiques actuelles.

Le deuxième objectif est d’ordre pédagogique. L’activité de construction, par ailleurs structurante pour la société sur les plans économique, social et culturel, résulte en une intervention forte et durable sur l’environnement. Or aujourd’hui, l’enseignement de la construction dans les écoles qui forment les différents intervenants de cette activité semblent négliger largement ses enjeux éthiques, lesquels ne peuvent être pensés sans le recours aux savoirs historiques. La construction doit donc aussi être enseignée comme fait humain significatif, enraciné dans l’histoire.

Par ailleurs, nourrir l’enseignement de la construction par des apports de l’histoire correspond aussi à une préoccupation d’efficacité pédagogique. Quand il s’adresse à des concepteurs, cet enseignement demande la transmission d’un savoir qui devra être disponible lors de conception et compatible avec une pensée globale et transdisciplinaire. Ce congrès, en confrontant tous les points du vue possibles sur la construction dans l’histoire, situe naturellement les enjeux constructifs dans le système au sein duquel la conception s’opère. Il s’agit d’un savoir dont la forme se prête dès l’origine à une transposition efficace en situation de projet.

Enfin, pour fonder cette pédagogie transversale et opérationnelle de la construction, il faut imaginer un niveau initial de compétence sur quoi élaborer pas à pas des progrès dans la compréhension. L’enseignant pourra alors chercher l’inspiration dans l’hypothèse selon laquelle l’ontogénèse reproduirait dans ses grandes lignes la phylogénèse. Les phases par lesquelles l’humanité est passée dans la construction de son savoir et de ses compétences seraient ainsi à l’image de celles que tout étudiant est susceptible à son tour d’emprunter.

La responsabilité de ceux qui contribuent à modifier notre environnement est certes demandée sur les plans économique, sécuritaire, fonctionnel et écologique, mais elle doit aussi être exigée sur le plan culturel, quand l’on considère que la construction doit remplir son rôle de médiation entre les habitants et les sphères technique, scientifique, artistique et politique de la société.

Or on peut légitimement émettre l’hypothèse que les nouveaux processus numériques dans la conception se dispensent aujourd’hui d’une véritable culture constructive. La signification et les limites d’une délégation éventuelle de la pensée constructive à la machine ne peuvent émerger qu’au regard de l’histoire. En ce sens, ce congrès se donne aussi pour objectif de redonner à la culture constructive contemporaine une profondeur sémiotique héritée.

Ce congrès se donne enfin comme objectif de réunir universitaires de l’histoire de la construction et praticiens de l’intervention sur le bâti existant. Ces deux univers ont en effet peu d’occasions de trouver des intersections, du moins en France, alors que chacun cultive des savoirs et méthodologies très précieux, bien différenciés et extrêmement complémentaires. Peut-on écrire l’histoire de la construction en se coupant de ceux qui sont concrètement confrontés aux objets premiers de cette histoire, et qui en extraient quotidiennement un savoir de première main ; en se privant d’un questionnement dont la pertinence est garantie par la recherche quasi fusionnelle du praticien pour comprendre le constructeur de l’époque par, le travail de la même matière ?

La situation actuelle semble bien paradoxale, au moment où les écoles qui forment les architectes des bâtiments de France cherchent à mettre en place leur troisième cycle et où l’on demande plus que jamais à la recherche académique de s’ancrer dans les enjeux sociétaux.

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